Du temps de mon activité professionnelle, le meilleur moment de la journée, pour moi, c'était la cantine. Oh pas spécialement pour le menu, encore que nous y mangions très bien. Non, mais avec une demi douzaine de vauriens de mon espèce, nous refaisions le monde. La commune de Paris... Les dernières élections... Passe moi l'sel... Le nouveau ministre... Le DRH... je peux finir la purée? Les marins de Kronstadt... La révolte de Spartacus... qui veut ma part de tarte?
Et puis la retraite est arrivée et cela m'a manqué. Alors, ce que j'aurais soutenu véhémentement devant mes ineffables comparses, je me suis dit que, pour combler le vide, je n'avais qu'à l'écrire.
Au début, je me suis contenté de décrire des choses comme je les comprenais. C'est ce que j'appelle "analyses et critiques". Je ne dis pas que je ne rédigerai plus rien dans ce domaine, mais, à la longue, je me suis persuadé que se plaindre, récriminer, pleurnicher, stigmatiser, dénoncer, même en tentant de s'imposer la plus grande objectivité, même quand c'est fait avec la plus grande pertinence, c'est bien gentil, mais c'est parfaitement stérile. Alors, aujourd'hui, quand on a mal aux pieds, au lieu de se plaindre et d'attendre que les autres fassent quelque chose, je pense que le mieux c'est de décider, soi même, qu'il est temps de changer de chaussures.
Bref, dans mon coin, je refais le monde tout seul. C'est ce que j'appelle "propositions".
C'est simplement comment je pense qu'il faudrait gérer la société pour que le monde aille mieux et que les gens soient plus heureux. Est-ce une goutte d'eau dans l'océan? Je ne le pense pas. Je dirais plutôt une goutte d'eau dans le désert. Mais je pense que si d'autre, ailleurs, ou bien en suivant mon exemple, se mettent aussi à verser des gouttes dans le désert, un jour, on y fera pousser des fleurs.
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...