Ils vont, effarés de hargne farouche,
Lançant, dans les rues, de larges clameurs,
Des cris passionnés fusent de leurs bouches,
Laissant retentir toute leur fureur,
Ils scandent sans fin, dans la même ardeur,
Leur refus profond en râle animal.
Ils crachent la lie, le relent fécal
Des égouts blafard de ruelles sombres
Sans chercher vraiment d'où leur vient ce mal.
Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.
Ils refusent sans fin tout ce qui les touche:
Les guerres, les spoliations, les hideurs,
L'inégalité qui, sur eux se couche,
L'appauvrissement source du malheur,
La discrimination portant la peur.
Ils vomissent leurs tourments viscéral,
Leur écœurement trop lourd et brutal,
Ne sachant nommer ce qui les encombre,
Ils ne marchent pas vers l'espoir total.
Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.
Dénonçant la branche, ils laissent la souche.
Ils ne cherchent pas, parmi les horreurs,
La cause première qui les accouche.
S'en prenant aux bras, ils oublient le cœur.
Où fuit donc le sang de tout leur labeur?
En ne visant pas le lucre fatal,
La course au profit, festin de chacals,
Les laisse meurtris au fond des décombres
Où ils sont broyés de crime bestial.
Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.
Ô! frères humains, rêvant d'idéal,
Visez le vrai but, le besoin vital!
Soyez conquérants, vous avez le nombre.
Sans plus gaspiller le projet final,
Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre.
30 05 16
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...