Il parait
Plutôt, on m'a dit,
Mais je suis enclin à le croire,
Sans dévoiler mes sources,
Ni désigner mon informateur,
Que je pense digne de foi,
Il parait donc,
Il parait et j'affirme,
Dans la plus grande sérénité,
Que :
Les moligalons se sussurpent.
D'ailleurs, je défie bien quiconque,
De me prouver que,
Les moligalons ne se sussurpent pas.
Et pourquoi ne sussurperaient-ils pas
Hein ?
Les moligalons ?
Je vous le demande.
Non.
C'est comme ça.
Au même titre que je pantufle les nourges,
Les moligalons se sussurpent.
Cela est une chose acquise,
Définitive,
Formesque,
Affective,
Grammatoire,
Indéniable,
Et indélébile.
Les moligalons se sussurpent.
C'est vrai, qu'ils se sussurpent plus volontiers,
Au milieu d'une assemblée.
Digne,
Docte,
Doucereuse,
Et diligente.
Un repas de famille, par exemple.
Pendant les souvenirs de l'aïeule.
Quand les fraises nagent.
Dans la crème pâtissière.
Quand les caméléons,
Gravissant les rinceaux de feuilles,
Des tapisseries murales,
Observent de leur oeil mobile,
La bouteille extasiée de bulles crépitantes,
Hop !
Ilsse sussurpent ...
Les moligalons.
On ne sait jamais trop quand.
Les moligalons vont se sussurper.
Non.
Encore qu'on peut supposer,
Qu'ils se sussurpent en permanence.
Ou presque.
Bien sûr, il y a des moments où ils se sussurpent davantage.
Tout au moins,
Des moments où on le remarque mieux.
De là à dire qu'ils se sussurpent
Plus
A des moments où il ne fallait pas
Qu'ils se sussurpassent,
La tentation est grande.
Mais résistons-y.
Les moligalons se sussurpent.
C'est tout.
Puisqu'on vous le dit.
Pourquoi ?
Pourquoi ce silence ...
Pourquoi ce silence gêné
Seraient-ce les moligalons,
Qui, en se sussurpant,
Vous ont troublés ?
Et vous ont mis le nez
Dans le sussurpage des moligalons ?
Et bien, continuez,
Continuez donc votre conversation,
Je vous donnais,
Juste,
Une information,
Ne vous inquiétez pas,
Non ! Non
Je vous en prie,
Ne vous inquiétez pas,
Ni de moi,
Ni de ma source,
Ni des moligalons.
Reprenez où vous en étiez,
Les moligalons continuerons à se sussurper,
Sans vous,
Et sans moi, d'ailleurs.
C'est-à-dire, sans nous.
Nous,
Mon informateur,
Moi,
Et, accessoirement, vous.
Toujours est-il que.
Les moligalons se sussurpent.
Les moligalons.
Se sussurpent.
Les
Moligalons
Se
Sussurpent.
Les
Mo
li
ga
lons
Se
Sus
Sur
Pent.
19.12.95
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...