Un petit oiseau
Chante
A ma fenêtre ouverte.
Il pépie à tue tête
Et je suis rempli de son chant.
Un petit oiseau
Chante
A ma fenêtre ouverte.
D'abord, il ne chante pas
A ma fenêtre.
Non.
Il chante.
Il chante à je ne sais quoi.
Il est d'un côté de la fenêtre
Et moi de l’autre.
Lui à l'extérieur
Et moi à l'intérieur.
Et comme la fenêtre est ouverte,
Son chant me parvient ;
Et je suis rempli de son chant.
De plus, je dis que c'est
Un petit oiseau.
Peut-être...
Allez savoir.
Je ne le vois pas.
Ce doit être dans le buisson.
J'entends seulement des appels exaltés.
Peut être que ce n'est pas un oiseau
Peut être que c'est ...
N'importe quoi
Qui imite un oiseau.
Ce n'est pas une girafe.
Le buisson n'est pas assez haut.
Cela dépasserait,
Et je la verrais.
A moins que ce ne soit
Une girafe couchée ...
Non, ce n'est pas une girafe.
Peut être un hippopotame
Le buisson est assez large.
Oui, peut être un hippopotame
Qui sautille de branche en branche,
Et lance son cri d'oiseau
Mélodie enfiévrée
Obsessionnelle et répétitive.
Et je suis rempli de son chant.
L'hippopotame oiseau
Répond à d'autres oiseaux
Ou à d'autres hippopotames
Qui, comme lui, jouent à l'oiseau.
Plus loin, il y a d'autres chants
Des chants d'oiseaux différents.
Ou d'autres animaux
Chantant des oiseaux différents.
Des kangourous, des alligators,
Des cachalots, des vers luisants.
A moins que ce ne soient
D'autres hippopotames
Qui ont choisi d'autres voix
Des voix de merle ou de mésange,
De pinson ou de serin,
Et qui donnent un concert
De tous les oiseaux.
Mais, celui-là, c'est sûr,
C'est le mien.
C'est le plus près.
Il est dans le buisson d'en face
Et je l'entends distinctement.
Un petit hippopotame
Chante
A ma fenêtre ouverte.
Il pépie à tue-tête
Et je suis rempli de son chant.
28.06.95
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...