Je suis un petit oiseau,
Et j'ai envie de voleter
Par-ci par-là;
Au gré des fantaisies,
Au gré de ce que j'aime
Dans le vent qui me porte,
Dans le rêve du ciel.
Et j'ai envie de me poser
Ici
Où là,
Suivant ce qui se trouve,
Suivant ce qui n'est pas.
Mais, je n'ai pas le droit.
Je suis un petit oiseau
De plâtre peint.
Bleu pâle.
Mes yeux sont blancs
Et des traits d'outremer
Inscrivent mes ailes
Sur mon corps ovoïde
Et tracent mon bec
Et ma pupille
Sur ma tête sphérique.
Tout en bas de moi,
Un petit plat,
Pour que je tienne droit,
C'est tout.
Il y a très longtemps,
Si longtemps
Que je ne me souviens plus guère,
J'ai été usiné.
Avec plein de frères;
Tous comme moi.
Tous posés les uns contre les autres
Sur une étagère
Pour nous tenir chaud.
Nous sommes nés adultes;
Ou peut-être sommes-nous restés poussins;
Je ne sais pas.
Et puis, on nous a dispersés.
Vendus.
Achetés.
Donnés.
Dans un papier doré.
Pendant longtemps,
J'ai été posé sur une pile de lettres.
Comme ça.
Pour qu'elles, non plus,
Ne s'envolent pas.
Je suis un oiseau
Qui empêche de voler.
Et puis un jour,
Allez savoir pourquoi,
Je suis arrivé dans une chambre
Sur le coin de l'armoire.
Et là,
Je n'ai plus bougé.
A côté de moi,
Un chapeau dans un plastique.
Le plastique, parfois,
Quand la fenêtre est ouverte,
Froufroute un peu.
Mais le chapeau ne parle pas.
Il est très fier:
C'est un couvre chef.
Sur ma tête et mes épaules,
La poussière s'endort;
Mais on ne me lave pas,
De peur que je ne déteigne.
Dans mon dos, la peinture
Est un peu écaillée.
Alors, on cache cela vers le mur.
Et le temps passe.
Et je m'ennuie.
Et la vie qui fuit
N'a pas de prise sur moi.
Parfois, on me regarde,
Mais on ne me voit pas.
Et je suis là,
Et je suis là
Sur mon armoire.
On ne me jette pas.
C'est déjà ça.
On sait que je suis là,
Mais on ne sait plus
Que je suis là.
Et si on sait,
On ne sait plus pourquoi.
Et je suis seul;
Sans espoir et sans terreur.
Juste,
Comme tous les oiseaux,
J'ai un peu peur du chat.
Je ne crains pas ses crocs
Mais sa patte frivole
Pourrait me bousculer
Et me faire tomber.
Heureusement, il n'y pense pas.
Il dort, simplement,
Juste derrière moi
Et il m'ignore.
C'en est inconvenant.
Un jour, peut être,
On me mettra dans un grenier.
Plus oublié, plus poussiéreux.
Mais là, en attendant
Que des mains éblouies
Viennent me retrouver,
J'entendrai, sous les tuiles,
Le vol des hirondelles,
Et leurs chamailleries
Me diront les nouvelles
Des nuages déroulés
Et des jardins refleuris
06/02/97
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...
Marie-Claude (samedi, 05 mars 2016 07:48)
Il est des hommes qui connaissent ce tourment de "non-être" ... c'est à eux que me fait penser ton oiseau ...
amitié .