Un jour je partirai!
Comme un oiseau au long des flots,
Je volerai au nez des vagues,
Planant sur les écumes
Et sur les crêtes blanches.
J'irai dans le ciel sombre
Aux violacés tragiques,
Aux déchirures d'or
Des nuages magiques
Vers l'émeraude sans fond.
Fuyant vers l'horizon,
J'embrasserai la mer:
Métal fondu couleur de suie;
Et je rirai criant au vent
Qui se délie
Qu'oiseau de mer,
Frégate libérée,
Les orbes que je cours seront toutes amours;
Que mon plumage noir,
Morceau de nuit volée,
Sera précipité
Vers les braises d'or vert
Que le septentrion cache derrière ses nuées.
Frégate oiseau fou,
Libre de ses envolées,
Libre de tracer dans l'orage qui vient
Les courbes exaltées de bonheur arraché;
Ou bien, frégate bâtiment
Au ponton démâté,
Je franchirai la houle;
Je chevaucherai les déferlantes
Comme un fétu d'osier
Que la mer ni le ciel,
La tempête en cyclone
Ne peut faire sombrer.
J'irai, vaisseau fantôme,
Investir les îlots,
Lagunes et archipels,
La haut dans les banquises
Ou bien sous les tropiques
Porter l'ardeur de mon désir,
Le feu de mes élans,
Et bâtir en conquérant du vide
La vie exubérante
Que tous ont oublié,
Que les hommes ont fuit,
Que les hommes ont brisé,
Que l'horreur a détruit
Et que mes ailes ou mes mâtures chauves
Recréeront là où le sol est vierge,
Là où rien n'est sali,
Là où l'avenir survit.
Traversant les calmes d'encre,
Traversant les maelström démoniaques,
Traversant les miasmes dévoyés,
J'arriverai et je débarquerai.
Et je me poserai.
Et là j'inventerai,
Pour vivre et pour aimer,
Une espérance folle,
Une espérance nouvelle,
Une couleur pour les musiques,
Un parfum pour les mots,
Un objet pour les idées,
Un réel pour l'irréel.
Alors, me souvenant
De mon ancien désir,
J'ouvrirai ma maison
Aux frégates blessées,
Je donnerai la main
A ceux qu'on a noyé;
Et perché au sommet d'un rocher hiératique,
Je crierai aux déserts
Ce qu'est la vérité. 08/07/97
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...