D'abord, le monde est carré.
Enfin, presque.
Il n'est pas vraiment carré,
Parce que les bords sont un peu
Effrangés.
Si les bords n'étaient pas
Effrangés,
On pourrait dire que
Le monde est carré.
Alors,
Disons que le monde est carré,
Et n'en parlons plus.
L'air nocturne étale sa blancheur laiteuse
Aux confins de l'univers.
Blancheur laiteuse,
Certes,
Mais un peu jaunasse,
Quand même :
Comme s'il v avait du thé
Dedans.
Et puis, il est plutôt épais ;
Et par endroits,
Franchement visqueux,
Voire gluant.
Bref,
C'est de l'air nocturne.
Tout le monde a déjà vu de l'air nocturne
Blanchâtre, laiteux et un peu gluant.
Pourtant,
Il est parcouru de galaxies en gestation
Et de nuées inorganiques :
Légères,
Diaphanes,
Profondes ;
En sur épaisseur,
Mais dans le lointain.
Peut-être sont-ce des voies lactées
Laiteuses et blanchâtres ...
On ne sait pas.
Juste comme un voile impalpable.
Au milieu,
Il est même si dense,
Que de la matière terreuse s'y agglomère
Au point d'acquérir la profondeur
D'une lie bordelaise.
Mais pas partout.
D'un côté seulement.
Ailleurs,
Il est seulement plus épais.
Huile ou résine figée
Qui ne colle plus les mouches,
Mais capture encore le regard.
Curieusement,
Ces matières plus denses
Ont migré vers les bords de l'univers,
Et là,
Le refroidissement étant plus accentué,
Elles se sont cristallisées
En dentelle de moirures
Crypto géométriques
D'élégance compassée,
Tout autour du carré.
Plus à l'intérieur,
Mais pas contigu,
Carré lui même,
Un fleuve ceint le monde
Du milieu.
C'est un serpent qui se mord la queue.
Il n'a ni haut
Ni bas,
Ni source ni estuaire.
Il n'a pas de fin
Ni de commencement.
II s'épanche sur lui même.
Il coule :
Eternel.
Dans sa ronde carrée.
Tout cela s'équilibre,
Et va vers sa destinée,
Vers son immobilité cinétique
Et vertigineuse.
Alors,
Les ors,
Eclats de miroir de feu
Brisés,
Peuvent s'allumer
Aux quatre coins du monde
Et au milieu.
24/01/96
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...