La lune enviée pleure ses nacres attendries,
Et les larmes de nuit sur ses joues rebondies
Ruissellent un parfum gracieux qui s'évapore :
Frais brouillard doux, argent glacé, sueur d'acore.
Lune de pluie, lune de vent, lune de froid,
Lune de nuit, lune de noir, lune d'effroi,
Lune d'amour, lune d'émoi, lune de vie,
Tu emplis mon espoir de bonheur et d'envie.
Je te regarde, Lune, et mes yeux m'ont quitté ;
Ils ont fui leur cratère en toute iniquité ;
Et mon regard n'est plus, ou plutôt il s'efface,
Voguant vers la lueur que murmure ta face;
Vers un ailleurs subtil, humés par ta présence,
Ils errent vers "là-bas" autour de ton silence.
Et, bien qu'encore à moi, ils sont une poussière
Participant sans fin à ta tendre lumière.
Et puis tu me regardes; et aussi tu me cloues
Dans cette sereine hébétude qui me floue.
Mystère épris des loups depuis l'éternité,
Je suis figé, pour toi, dans l'immobilité.
Ta pression envoûtante envahit ma poitrine
Et vide de son sang la viscère intestine.
Seul le cœur bat encore, pulsion trop maladroite,
Emplissant malgré tout sa cage trop étroite.
La puissance du flux qu'ainsi tu irradies,
Comme un vent trop puissant porteur de maladie
Plaque sur un buisson un vieux torchon mouillé,
Applique sur mes os mon tors émerveillé.
Et cela appuie, et cela m'enchante; et cela me noie.
Je ne puis échapper au regard qui me broie.
Et cela me traverse. En mon dos lacéré,
Un grand morceau de peau soudain s'est déchiré :
Lambeau d'algue morte glissant parmi les eaux.
Le rocher qui m'assoit a reçu ce bandeau
Et 1`a contaminé de sa rigidité :
Placard silicifié atteint de fixité.
L'air maintenant circule entre mes côtes sèches.
C'est une vie nouvelle : Douce saveur de pêche.
Mes genoux pétrifiés se sont couverts de mousse
Et de fleurs que ton souffle émeu: Haleine douce.
La pierre s'est insinuée dans mon être rebelle.
La froidure a gagné mon essence réelle.
Seul mon cœur entêté bat l'absence de sang.
Et mon âme éblouie boit mon regard absent.
Je te regarde et tu ne me regardes pas.
Tu m'illumines, mais, pourtant, ne me vois pas.
Sur ta face chérie, métal où rien ne bouge,
Tes dards immobiles forent ton halo rouge.
Tes rayons exaltés se condensent, magiques ;
Unies sur mon visage, leurs liqueurs extatiques
Versent pour toi les larmes délaissées
Que mes orbites creuses n'osaient t'adresser.
16/06/96
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...