Depuis qu’un matin tu entras dans ma vie,
Mes yeux éblouis voient un soleil nouveau.
Je suis un chemin, que plus rien ne dévie,
Allant doucement vers de plus hauts niveaux,
Parmi des plaisirs de parfums estivaux.
L’air est purifié de ses miasmes perfides ;
Le ciel nettoyé de ses brumes livides.
Pourtant le temps passe en instants éthérés ;
Les secondes fuient comme un fût qui se vide.
Je dois, cependant, malgré tout, différer.
Pourquoi me faut-il chaque jour espérer ?
Je bois lentement la soif inassouvie
Sans craindre, pourtant, de funestes rivaux.
L’attente trop longue sans fin poursuivie
Ecrase mon souffle au fond du caniveau.
Piaffant d’impatience comme les chevaux,
Je veux échapper à cette boue liquide.
Où est cette étoile qui, vers toi, me guide ?
Etre près de toi pourrait me délivrer.
Sans toi, je suis dans une caverne humide.
Ou, dans un réduit bien trop empoussiéré,
Pourquoi me faut-il chaque jour espérer ?
Je suis enfermé, luttant pour ma survie,
Je ferme les yeux pour sortir du caveau.
Tu es ma lumière, tu es mon envie ;
Je hisse mon corps extrait des baliveaux
Et vogue vers toi en laissant mes travaux.
Je vais, en suivant une marche impavide,
Sans frein, sans regrets, sans retard et sans bride,
Vers toi, ton sourire, ô mon être doré.
Finies pour toujours les errances morbides.
Je veux te garder ; je veux te regarder.
Pourquoi me faut-il chaque jour espérer ?
Tu es la douceur de mon âme ravie,
La lune perçant sous des arcs ogivaux.
Tu es la chaleur de la table servie,
L’exubérance sortie des cerveaux
Hurlant la promesse de tous ses bravos.
Tu es la candeur d’une flamme timide
Et les rougeoiements d’un incendie solide,
Capables, pour moi, de me régénérer.
Tu es le mirage des lointains limpides.
Mais je dois attendre sans m’exaspérer.
Pourquoi me faut-il chaque jour espérer ?
Allons, viens, quittons les zones asservies ;
Allons vers demain, vers des mondes plus beaux ;
Dépassons les cimes des crêtes gravies.
De nos regrets, démêlons les écheveaux.
Donne-moi ta main pour notre renouveau.
Laissons derrière nous les marasmes turbides
Et remplaçons-les par des heures placides.
Buvons, à longs traits, pour nous désaltérer,
De frais jus de fruits exquisément acides.
Qu’il vienne le jour qui doit nous libérer !
Pourquoi me faut-il chaque jour espérer ?
Etoiles du ciel, sous vos regards lucides,
Veuillez raconter, avec vos voix candides,
Par quelle oraison doit-on vous vénérer.
Depuis votre voûte, à la courbe splendide,
Enfin, sommes-nous juste assez intrépides ?
Pourquoi me faut-il chaque jour espérer ?
J D 19 01 12, 15h 48
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...