D’abord,
Faites un gros caca.
Un caca… c’est facile …
Mais…
Un gros caca,
Un caca gras,
Un caca de nantis,
Un caca de riche,
Ce n’est pas n’importe quoi.
Ensuite, comme il vous encombre
Comme il sent très mauvais,
Il faut s’occuper de son cas ;
Oui du cas du caca.
Donc, vous faites un colis
Bien emballé,
Bien attaché,
Que la boite ne s’ouvre pas
Et vous l’envoyez dans un pays
Qui est fait juste pour ça.
L’adresse ?
« Monsieur qui s’occupe du caca ».
La-bas,
Ce Monsieur là,
Il a une usine :
Une usine spéciale construite au bon endroit
Exprès dans un lieu de beautés inutiles
Où la mer de vieil argent
Vibre son écume grise,
Où le ciel nuageux de bourrasques crissantes
Tente d’user l’éperon de granit.
Cet endroit somptueux d’âpreté
Rayonne sa superbe vacuité.
Là,
Le « Monsieur qui s’occupe du caca »
Il prend votre caca
Et il en fait un tas.
Ensuite, il lave et rince le caca.
L’eau de lavure et de rinçure
S’écoule dans un long tuyau
Assez loin dans la mer
Pour qu’on ne le voie pas.
Cela prend plusieurs mois.
Reste le caca propre.
Il n’a plus la forme du caca ;
Il n’a plus la couleur du caca ;
Il a moins l’odeur du caca
Mais,
C’est quand même un caca.
Alors,
Le « Monsieur qui s’occupe du caca »
Refait le colis,
Bien emballé,
Bien attaché,
Que la boite ne s’ouvre pas
Et il vous le renvoie
En train, en bateau
En avion ou en n’importe quoi.
Vous, depuis le temps, vous l’aviez oublié.
Voilà que le caca vous revient sur les bras.
Que faire ?
Quel tracas !
Quel tracas que le cas du caca !
Vous le posez dans un coin
Et vous réfléchissez.
Mais pendant que vous réfléchissez
Et qu’il est posé dans un coin,
Il en revient plusieurs fois.
Le caca propre s’accumule.
Voilà que vous disposez
De beaucoup de colis de caca.
Il faut agir !
Réagir !
Les boites on les empilera
Dans un espace où ça ne gène pas
Où ce n’est pas un embarras
Où ça peut être utile !
Je sais pas moi :
Autour de l’hôpital pour l’isoler du froid,
En barrière du bruit pour le parc de loisir
Ou bien en contre vent pour le jardin d’enfant…
Voilà.
C’est ainsi qu’il faut faire.
Ce n’est pas compliqué tout ça
Frères !
Sachons nous réjouir du caca !
Jean Durier 10 04 01
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...