Le métro
Il vous secoue,
Le métro.
C’est bien !
Heureusement qu’il secoue,
Le métro.
S’il ne secouait pas,
Hein ? Je vous le demande,
A quoi il servirait,
Le métro ?
C’est un peu le principe de la bétonnière.
Vous avez du sable,
Du gravier,
Du ciment
Et de l’eau.
Et il faut mélanger.
Si vous ne mélangez pas,
Vous avez du sable,
Du gravier,
Du ciment
Et de l’eau.
Mais si vous avez mélangé,
Si vous secouez bien,
Vous avez du béton.
Alors,
Le temps passe.
Et pendant que le temps passe,
Par un tour de passe passe,
Le béton durcit,
Et durcit.
Il devient
Mur,
Maison,
Tour,
Pont !
Il devient ville,
Il devient civilisation.
Chacun,
Du sable,
Du gravier,
Du ciment
Et de l’eau,
Ne peut pas,
Ne sait pas
Devenir civilisation.
Mais ensemble,
Bien mélangés,
Bien secoués,
Tout cela devient plus fort,
Devient plus robuste,
Devient plus puissant,
Plus conséquent,
Plus noble,
Plus cohérent.
Le métro,
C’est la même chose.
Vous l’emplissez de toutes sortes
D’ingrédients ;
Et il secoue.
Vous y mettez des gens ;
Il vous donne une population.
C’est long.
Il faut attendre.
Mais il vous la fabrique,
Bien mélangée,
Bien secouée
Votre population.
Bien sûr c’est mieux
Quand le métro est bien plein.
C’est comme la bétonnière,
Si vous la remplissez avec du rien…
Vous n’obtenez rien.
Si vous ne mettez pas grand-chose,
Vous n’obtenez pas grand-chose…
Mais si vous remplissez bien,
Le mélange est plus intime,
Plus fin…
On peut même penser qu’il faut
Plus
Remplir le métro
Que la bétonnière.
Parfois, La bétonnière déborde ;
Et pas le métro.
La bétonnière tourne sur son axe
Et se retourne,
Et se retourne.
Pas le métro.
Le mélange serait plus efficace,
Mais il s’abstient.
Certaines machines à laver
Ont deux modes de fonctionnement.
Bon, le plus souvent,
Il y a le retournement.
Le style « bétonnière », quoi !
Mais parfois, il n’y a,
Pour le linge délicat,
Qu’un doux balancement.
Un coup à droite,
Un coup à gauche,
On attend un instant
Que le jus se décante
Et on reprend.
Le métro secoue de cette façon ;
Comme le fragile linge sale :
Amoureusement ;
Et pas comme le béton.
Les gens qui étaient entrés
En entité sale,
Ressortent en population propre ;
Bien plus propre qu’avant.
Le métro,
Il vous secoue.
C’est sa propriété
Et sa fonction.
Pour être efficace,
Le métro,
Il faut qu’il soit bien plein
Et qu’il secoue.
C’est comme ça qu’il fonctionne bien.
Saint Denis le 10 10 00
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...