Ce soir, va arriver le temps de la jeunesse
Et du silence.
Du silence entier,
Du silence absorbant
Du silence rassurant.
Le temps où tous les imbéciles
Pourront se lever et chanter ensemble
Un chœur enfin juste
Dans une vraie joie de vraie béatitude.
Sans troubler personne.
Sans troubler le silence,
La nuit tombe et se fracasse
Dans la brouette paroxyste.
Il va falloir frapper
Sur les entonnoirs de vide
Et demander la permission pour mourir,
Mais, ne pas s'excuser, pour naître,
De déranger les voisins.
Les mots sont achevés,
On va les refroidir
Et les porter après, dans le boudoir des dames.
La poussière des bruits retombe peu à peu.
Maintenant est le début de la glace,
Le début de la paix,
Le début de l'existence.
La chute s'est stabilisée et tout flotte
Dans l'infini émeraudique.
Tout est calme et tranquille.
Et puis soudain, ils ont disparu
Les transformeurs de poète en copiste,
De créateurs en bouffe foin,
Eteigneurs de vocation,
Aplatisseurs de relief,
Ecraseurs de mission,
Ternisseurs de miroirs,
Sectateur de prosaïsme,
Plagieurs de banalité.
Ils ont disparu
Les éteigneurs de rêve,
Salisseur de réalité
Les empêcheurs débiles
Pisse-vinaigre, cabotins,
Professeurs de vide,
Maîtres de rien
Misérables chéfaillons
Que le grade rend stupide
Et la morgue crétin ;
Admirateurs baveux de la hiérarchie tutélaire,
Carcasses tremblantes,
Hypocrites jocrisses,
Répandant à l'envie leur petitesse poisseuse.
Oui, ils ont disparu.
Pas transformés en angelots,
Ou en séraphins,
Non !
Tout simplement, transformés en ce qu'ils étaient :
En rien.
La dernière couleuvre a été avalée
Longue, longue, longue.
Et froide, et grouillante
Comme un sacrement.
Sans délectation
Avec devoir,
Avec respect,
Avec horreur
Sans pouvoir y échapper.
L'habitude n'enlève pas l'amertume.
Alors va commencer le reste ;
L'autre, l'autrement,
L'autorisation de penser, d'imaginer
De fabriquer, de créer.
De vieux mots se choquent,
Se rebellent, s'installent
Et prennent feu.
Et puis ils tombent.
Ils n'étaient pas des mots utiles
Ils disaient le respect d'avant.
Alors ils ont été cassés
Par le nouveau respect
Le respect de maintenant.
Les nouveaux mots sont prêts à jaillir,
A inventer, à crier, à murmurer.
Ils ne sont pas faits pour tromper.
Ils sont faits pour rire,
Pour aimer, pour dire
La vérité.
Attention ! Attention ! Le rideau cosmique s'ouvre
Le spectacle va commencer.
1994.
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...