Petit,
Spolié,
Bafoué, Comprimé, Emprisonné, Muré.
Mais,
Autorisé.
Toujours autorisé.
Autorisé à tout.
Autorisé à parler:
Pour ne rien dire.
Autorisé à dire :
Des banalités.
Autorisé à rire :
De ce qui est risible. Autorisé à chanter:
Des rengaines à la mode ;
A la mode de n'importe quelle mode.
Pas d'importance.
Pourvu que: Des rengaines,
Et qu'elles : A la mode ;
De préférence un peu ringarde. Rengainer à la mode ringarde :
Autorisé.
Autorisé, aussi, à écrire :
Avec autocensure.
Autorisé à jouer:
Tout seul.
Autorisé à penser:
Sans exprimer.
Autorisé à exprimer:
Sans réfléchir,
Comme un citron.
Autorisé à réfléchir :
Comme un miroir
Autorisé à raisonner:
Comme, un tambour.
Autorisé à vouloir.
Autorisé à vouloir vouloir.
Pas à pouvoir.
Ni à pouvoir pouvoir,
Ni à vouloir pouvoir,
Ni à pouvoir vouloir.
Autorisé à parcourir des paysages
A la télé.
Autorisé à regarder la télé
Aux heures autorisées.
Autorisé â écouter la musique
Sans le son.
Autorisé à regarder la peinture
Dans l'obscurité.
Autorisé de dérision.
Autorisé d'humilité.
Autorisé d'humiliation.
Autorisé
Autorisé !
Autorisé !
Histoire de l'homme qui avait perdu son ombre.
Histoire de l'ombre qui avait perdu son homme.
Homme qui avait perdu l'histoire de son ombre.
Ombre de l'homme qui avait perdu son histoire.
Ombre perdue de l'homme à l'histoire perdue.
Ombre perdue de l'histoire perdue de l'homme perdu.
Vivre !
Oh ? Vivre!
Sans mesquinerie;
Sans veulerie,
Sans restriction,
Sans limite,
Sans regret,
Vivre pour vivre.
Vivre !
Vivre !
Vivre pour de bon.
Vivre en entier.
Vivre à satiété;
Vivre en vraie grandeur;
Vivre avec une majuscule.
Vivre sans attendre,
Sans attendre,
Sans attendre le début de la séance,
Sans attendre l'autorisation de commencer.
Vivre tout de suite.
Ne pas attendre quand le jour viendra
Où le jour viendra.
Rire,
Chanter,
Courir,
Bâtir,
Inventer,
Créer,
Réaliser.
Monter la marche suivante de l'escalier,
Et puis l'autre,
Et puis l'autre.
En prendre l'habitude ;
Et, plus on monte,
Plus on se sent haut.
Et plus on se sent haut,
Plus on voit loin;
Et plus on voit loin,
Plus on a envie de monter,
De monter l'escalier.
Une autre marche,
Et encore une,
Et encore une.
Monter, ainsi, jusqu'à ce que
La montée soit normale,
Jusqu'à ce que le pas trouve
La montée horizontale.
Et là, peut-être,
Sur cette nouvelle horizontalité,
Sur cette nouvelle normalité,
Inventer d'autres marches,
Puis d'autres escaliers ;
Inventer de nouvelles montées
Sur lesquelles on bâtira,
Plus tard,
De futures ascensions
Conduisant à des marches
Et à des escaliers,
Présages de présages
De montées insoupçonnées.
14/01/96
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...