Lui: Miou.
Elle: Miou.
Lui: Miiiou.
Elle: Miiiou
Lui : Mmm. Elle: Mmm.
Lui:(fort)Maou.
Elle : (fort) Maou.
Lui; (plus doux) Maouaou
Elle : (de même) Maouaou
Lui: Mraou.
Elle: Mraou.
Lui: Non! Ecoute bien: Mraou... Répète.
Elle: Mraou.
Lui: Non. Le « r » ce n'est pas ça. Mrrraou.
Elle: Mraou.
Lui: Fais donc attention. Le « r » n'est pas roulé. On dirait que tu miaules en espagnol. Non, il est grasseyé. C'est le fond de la gorge. Le voile du palais et la luette vibrent en petit battement sur l'arrière langue. Allez, vas-y : Mrrraou.
Elle: Mraou.
Lui: De deux choses l'une ou tu ne fais pas d'efforts, ou tu n'es pas douée. Essaie encore.
Elle: (en s'appliquant) Mrraou.
Lui : Ouais, si tu veux. Je pense que tu n'es pas douée. Prononcé comme cela, on dirait presque un gros mot.
Elle: Je fais ce que je peux.
Lui: Et bien, tu peux peu.
Elle: Allez, je vais te donner ta soussoupe.
Lui: Soussoupe, soussoupe, tu me prends vraiment pour un demeuré. Tu ne peux pas dire soupe comme tout le monde ? Surtout que la soussoupe en question est un mélange infâme que j'ose à peine définir. Ce n'est pas que tu sois mauvaise cuisinière, non. Quand tu es à table, je vais flairer ce que tu manges...
Elle: Oui, mais c'est très vilain. Ce n'est pas d'un gentil minou.
Lui: Et tu me poses par terre en me disant : » Eh ! Est-ce que je mange dans ton assiette, moi ? ».
Elle: Naturellement.
Lui: Donc, nous sommes d'accord.
Elle: Ah bon ?
Lui: Oui, nous n'aimons, ni toi ni moi ce qu'il y a dans mon assiette et nous préférons tous les deux ce qu'il y a dans la tienne.
Elle: Voyez vous ça ?
Lui:Je sais, tu me la tends quand c'est de l'immonde humain.
Elle : C'est à dire ?
Lui: Oui, des carottes, des choux de Bruxelles, du céleri... C'est de la provocation. Quand il y a du poisson, du jambon ou des crevettes, tu ne t'y risques pas.
Elle: Je dois même manger derrière un rempart avec un bouclier de gladiateur.
Lui: Et c'est là que tu me chasses. Tu vois ta mauvaiseté et ton incompréhension. Je suis alors obligé de m'agripper à a nappe...
Elle: Que tu entraînes avec toi en renversant tout ce qui est dessus.
Lui:Est-ce une raison pour m'enfermer dans la salle de bain ?
Elle:Où tu déchiquettes ma robe de chambre.
Lui: Struggle for life !
Elle: Tiens, tu causes anglais?
Lui : Oui, je connais plusieurs patois humains.
Elle: Et en chat ? Ça se dit comment ?
Lui: Apprends donc tes leçons. Pour le moment, tu n'en es qu'à ânonner les rudiments. Juste ce qu'il faut pour la survie au quotidien.
Elle: Parce que les chats pensent à autre chose ?
Lui: Bien sûr: épicycloïde, numismate, amphigourique, hyperbole ou hypocondriaque...
Elle: Cela ne sert à rien.
Lui: Peut-être, mais cela se dit. ( Il lui saute sur les genoux). Ron, ron, ron.
Elle:J'aime bien quand tu ronronnes.
Lui:Le sens des mots t'en échappe.
Elle:Oui, mais j'imagine.
Lui: Ron, ron, ron.
Elle: En revanche, je déteste que tu me plantes tes griffes en cadence dans les genoux.
Lui: Ron, ron, ron.
Elle: Eh! Je parle français !
Lui: Et moi, qu'est-ce que je fais depuis dix minutes ?
25 02 98
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...