MODERNE
Qui appartient au temps présent, à une époque récente. Il est à noter que l’origine de mot est la même que celle du mot « mode ». Ce qui est à la mode est moderne. Ce qui est à la mode est fugace au même titre que ce qui est moderne est lié au temps. La mode passera au même titre que ce qui est moderne sera dépassé par le temps.
Chaque époque ayant eu ses modes, on peut dire que chaque époque a eu sa modernité.
Moderne : Postérieur à l’Antiquité, quelque fois dans un sens plus restreint postérieur au moyen âge (l’histoire moderne, les temps modernes). C’est tout de même une modernité relative.
Quoi qu’il en soit, la constante est la notion de fugacité temporelle. C’est moderne. Avant, ça n’existait pas et on sait que, un jour ou l’autre, ce sera dépassé.
A l’opposé, on dit pérenne. Le sens premier, cela se dit pour une rivière qui coule toute l’année. Certains disent pérannuel. Ça fait plus sérieux. On en tire le substantif « pérennité » : Ce qui dure, ce qui n’est pas affecté par la fuite du temps (la pérennité des institutions), ce qui échappe à la notion de mode.
Jusque là, ça va.
Mais ensuite, ça se corse.
Une chose apparaît. Elle est donc moderne et éventuellement l’objet d’un entichement lié à un effet de mode. Et puis le temps passe et la chose reste. Peut-on dire qu’elle est encore moderne. Il est clair que ce n’est plus une question de mode. La chose apparue dans la modernité est devenue pérenne. C’est embêtant ça. C’est d’autant plus embêtant que bien que plus à la mode, elle continue d’être présente, donc actuelle, donc moderne mais pas moderne puisque venant du passé. Oh ! Là ! Là ! Aristophane, par exemple ; il est très moderne… depuis deux mille cinq cents ans.
Non, non ! Mais il faut être moderne !
Tenez, tous ces vieux machins, là. Chambord, Versailles, les arènes de Nîmes, le pont du Gard, les pyramides de Gizeh, c’est vieux ça. Virez moi tout ça ! Et faites des choses modernes à la place. Des barres de HLM, des supermarchés ! Il faut être moderne !
Pendant qu’on y est, tous les tableaux conservés pieusement dans les musées (« l’Ecole d’Athènes » de Raphaël… « les Demoiselles d’Avignon » de Picasso… « le Cri » de Munch… C’est vieux tout ça et puis, ils sont tous morts. Allez, au feu ! Vous vous rendez compte la place qu’on pourrait récupérer dans des immeubles comme le Louvre ? La magnifique galerie commerciale qu’on pourrait faire là dedans ? D’ailleurs, le bâtiment lui-même, il est vieux. Rasez moi tout ça. On y mettra des préfabriqués modernes dans lesquelles on exposera des mangas qu’on enlèvera tous les trois mois et qu’on remplacera par d’autres. Ça fera marcher l’industrie et ça rapportera des sous. Il faut être pragmatique et réaliste. Il faut être moderne ! D’ailleurs, à propos des bandes dessinées, c’est comme les trucs de Hugo Pratt, ou les Lucky Luke ou les Tintin c’est dépassé. Et les films des années cinquante ; mettez moi tout ça au feu. Molière, Balzac, Zola, c’est vieux, c’est pas moderne, au feu ! Il faut être moderne !
Et les philosophes ? Platon, Aristote, Erasme, Rousseau, Nietzsche ! Ils sont tous morts. C’est vieux. Allez… Poubelle ! Il faut être moderne.
Il faut être moderne !
IL FAUT ETRE MODERNE !
30 01 2006
2014
Edition Mélibée
392 pages
Pour Jean Durier-Le Roux, lors de son activité professionnelle, le plus grand moment de plaisir jubilatoire quotidien, c'était la cantine. Là, avec une demi-douzaine de galapiats de son espèce, il refaisait le monde. Et puis, la retraite est arrivée : plus de débats dialectiques passionnés. Alors, en toute humilité, il a décidé d'écrire ce qu'il aurait pu défendre véhémentement. Un nouveau problème s'est présenté. Jean Durier-Le Roux s'est souvenu du devoir de philosophie inhérent à la classe de terminale : « Peut-on penser par soi-même ». Il essaie. Ça, pour essayer, il essaie. Même, parfois, il a l'impression d'y arriver... Et là, son narcissisme s'en trouve revalorisé. De quoi se préoccupe-t-il ? A priori de n'importe quoi. Toutefois, il faut bien l'avouer, les sujets liés à la situation sociopolitique reviennent de façon récurrente. Est-ce à regretter ? Aristote, dans le premier chapitre de l'Éthique à Nicomaque, montre que le plus haut niveau de réflexion philosophique que l'on puisse avoir est celui qui concerne le politique. Alors, si c'est Aristote qui le dit...